Création les 16 et 17 mars 2012 au CDC de Toulouse

conception, chorégraphie, scénographie
: christian rizzo
interprète : kerem gelebek
lumières : caty olive
régie générale et lumières : érik houllier ou jean-michel hugo

production déléguée : l’association fragile
coproduction : Centre de Développement Chorégraphique de Toulouse / Midi Pyrénées, «Réseau Open Latitudes (Latitudes Contemporaines (F) – Les Halles de Schaerbeek (B) – L’Arsenic (CH) - Le Manège Mons /Maison Folie (B) – Body/Mind Varsaw (PL)– Teatro delle Moire (I) – SIN Arts (H) – le Phénix (F)) avec le soutien du programme Culture de l’Union Européenne », Fondation Serralves – Porto.
accueil en résidence : l’Opéra de Lille, la Fondation Serralves de Porto, le Centre de Développement Chorégraphique de Toulouse / Midi Pyrénées, le Théâtre de Vanves / Scène conventionnée pour la danse, le Manège Mons /Maison Folie.



(« c’est l’œil que tu protèges qui sera perforé » en VF) se révèle un exil intérieur : il raconte la vie du soliste aujourd’hui, qui passe d’une compagnie à un pays, d’un style à une humeur. Rizzo a capté cet instant fugace : un homme qui se mue en danseur (…) On retrouve alors le Rizzo d’autant vouloir le bleu du ciel et m’en aller sur un âne qu’on aime par dessus-tout. Et c’est beau Philippe Noisette, Les Inrockuptibles, 11 avril 2012

Christian Rizzo (…) a écrit la traversée du danseur turc Kerem Gelebek (…) C’est simple, essentiel, inspiré, aspiré.
Marie-Christine Vernay, Libération, 20 mars 2012

sakinan göze çöp batar rappelle au théâtre qu’il est le lieu d’où l’on regarde. Qu’il est lieu de rapport, de relation. La pièce de Christian Rizzo est inspirée, pleine, douce. Il construit un rapport de puissance qui bat en brèche tous les bêtes rapports de pouvoir dans une création qui va à l’essentiel – la poésie politique, l’intime exposé, l’autre….
Paris-art.com, Marie-Juliette Verga, 27 mars 2012

Christian Rizzo crée avec et pour le danseur Kerem Gelebek un solo d’une beauté rare et précieuse qui va à l’essentiel avec une grande économie de moyens, dit le tiraillement entre ici et ailleurs et pointe vers cet ancrage fluctuant de l’être (…) Il y va de l’intime et d’une mise en danger nécessaire et le chorégraphe avance sur ce chemin du retour à soi avec une infinie douceur et obstination.
Smaranda Olcese , Toutelaculture.com, 3 avril 2012

Propos recueillis par Stéphane Malfettes, le 26 octobre 2011

Point de départ
Ce solo est né du désir de me remettre à danser. Mais ce désir s’est vite révélé paradoxal car plus les idées me venaient, plus je me rendais compte que je n’avais pas du tout envie de les réaliser moi-même. Dès lors que j’ai compris que ma place n’était pas sur scène, j’ai pensé à Kerem Gelebek, danseur qui a participé à plusieurs de mes spectacles depuis sa sortie du CNDC d’Angers. Pour qu’il puisse prendre ma place, je lui ai transmis ce que j’étais en train de chercher. Je l’ai vu s’emparer des matériaux que je lui soumettais : cette mise à distance a ouvert de nouveaux horizons.

Par procuration
Je reconnais dans Kerem quelqu’un que j’ai pu être il y a plusieurs années : sa façon de bouger et d’occuper l’espace, sa silhouette, son maintien, ses postures. Juste avant la présentation publique d’une première étape de travail, j’ai poussé le mimétisme jusqu’à lui demander d’enfiler mes propres vêtements. Avec lui, j’ai l’impression de me projeter dans un solo par procuration. Je lui demande d’ailleurs de revisiter des actions que j’ai pu accomplir moi-même dans d’autres spectacles : déplacer des objets, s’allonger au sol, s’asseoir à une table…

Série d’études
Ce spectacle composé en plusieurs séquences spécifiques pourrait être présenté comme une série d’études, à la manière des arts graphiques : étude pour homme dans un coin, étude pour homme avec une table, étude pour homme avec une plante verte. Dans ce face à face avec le corps d’un autre, je cherche des principes physiques que je ne peux pas explorer avec un groupe de danseurs. La forme du solo est pour moi un véritable laboratoire chorégraphique. J’ai le sentiment d’organiser de la pensée en mouvement

Exil à soi-même
L’histoire personnelle de Kerem – qui a quitté son pays, la Turquie, pour venir danser en France et s’installer à Berlin – m’a révélé l’enjeu profond de ce solo : mettre en scène le sentiment de l’exil. Le fait qu’un autre corps s’approprie ce que j’avais initialement prévu d’accomplir m’a de fait placé dans une situation d’exil. Avec cette création, l’exil dont il est question n’est pas tant géographique ou politique qu’existentiel. Il s’agit d’une sorte d’exil à soi-même emprunt de mélancolie.

Une condensation
Je tiens beaucoup à ce que la personnalité de Kerem transparaisse à travers ce solo. C’est pourquoi j’ai conservé en version originale le titre qu’il m’a proposé. Cette expression turque signifie littéralement : « c’est l’œil que tu protèges qui sera perforé ». Autrement dit, c’est quand on se tient trop sur ses gardes que le pire finit par se produire. Cette formule a une valeur quasi-programmatique, elle s’adresse au public comme un résumé ou plutôt une condensation de mon esthétique : regardez juste ce qui arrive et tout se passera bien.