Création dans le jardin de l’institut français de Tokyo le 16 septembre 2011

conception: christian rizzo et iuan-hau chiang

production : l’association fragile
coproduction : l’institut français de Tokyo, le Fresnoy studio national des arts contemporains de Tourcoing , le Digital Education Institute & Institute for Information Industry (Taiwan), l’Institut français, Les Subsistances de Lyon, L’Institut français de Taipei.
avec la collaboration du Ministère de la Culture de Taiwan et du bureau de représentation économique et culturel de Taiwan au japon.
remerciements particuliers à emmanuelle de montgazon qui a donné l’impulsion à ce projet.



TTT = IL + fom 1 + paysage.

TTT = 3 œuvres distinctes, réunies dans 1 dispositif variant selon l’espace de leur présentation.

TTT = Tourcoing -Taipei -Tokyo.

Tourcoing : Invité à deux reprises comme artiste-professeur au Fresnoy-Studio national des arts contemporains, Christian Rizzo a eu l’opportunité d’y produire des œuvres nouveaux médias. Il y présente, en 2009, IL120609, installation intégrant trois vidéos dont IL, puis, en 2011, une première version de fom1.

Taipei : Lors de sa première résidence au Taipei Artist Village, en 2006, Christian Rizzo rencontre Iuan-hau Chiang, artiste taiwanais travaillant l’image de synthèse. Ils collaborent pour le spectacle comment dire « ici » ?, puis pour l’exposition virtuelle here we are now et pour les trois films de TTT. Les prises de motion capture utilisées pour fom1 et paysage ont été réalisées à Taipei.

Tokyo : Durant l’été 2011, invité par l’Institut français de Tokyo à présenter une œuvre nouvelle dans le jardin de l’Institut, Christian Rizzo propose de projeter un paysage virtuel sur le paysage naturel. Ainsi naît paysage, fortement influencé par les estampes japonaises. IL et fom1 sont également projetés dans le jardin le même soir. C’est la première présentation de TTT. paysage sera ensuite montré au Fresnoy, dans l’exposition Visions fugitives, consacrée aux œuvres d’animation.

IL, fom1 et paysage sont des films en images de synthèse, où sont intégrés des plans du danseur chorégraphe, réalisés notamment grâce à la motion capture.

Dans IL, Christian Rizzo danse avec une forme virtuelle : un ensemble d’éléments, géométriques pour la plupart, rampe sur le sol, se déploie dans l’espace ou se rétracte, créant à la fois un partenaire pour le danseur et un décor en permanente évolution. Les limites du plateau, visibles au début du film, ont disparu. La forme se déplace sur un rythme proche de celui d’une respiration, ce qui lui donne un caractère presque animal, malgré son aspect graphique et ses lignes abruptes. On retrouve ici le dialogue du géométrique et de l’organique, si fréquent dans les chorégraphies de Christian Rizzo.

Dans fom1, la silhouette du danseur est par moments reconnaissable dans une volute de fumée mais elle se dissipe lorsque le corps est en mouvement. Choix paradoxal pour un chorégraphe, ce que Christian Rizzo souligne lui-même : « En tant que danseur chorégraphe, j’ai la sensation d’être apparu par le mouvement. [Dans fom1], le mouvement devient l’élément qui me fait disparaître… ». Au premier regard, on remarque essentiellement l’instabilité du dessin, le caractère insaisissable de la figure, l’absence de contexte. Mais la précision de la motion capture révèle la densité du corps : même s’il n’est pas tracé, le sol existe par le poids du pied qui s’y pose.
On devine aussi la présence de Christian Rizzo dans paysage, une avancée en perspective au milieu d’arbres en 3D qui s’avèrent, à notre approche, n’être que des images. Leur contour, parfois tracé, sert de cadre au dessin. A la fin de la traversée du paysage, il ne reste que des cadres vides, dont l’ensemble forme une architecture abstraite, une sorte de paysage urbain générique. Surgit alors une silhouette qui semble éclore, esquisse quelques pas, puis disparaît. Né d’une réflexion sur la perspective et sur la représentation de l’espace dans les cultures orientale et occidentale, le film nous rappelle qu’il n’y a pas de paysage sans être humain. Pas de paysage non plus sans point de vue.
Dans IL, chorégraphie pour un danseur et une image de synthèse, Christian Rizzo exécute des mouvements complexes, le visage à découvert. Avant d’être absorbé par la forme abstraite, le corps du danseur lui transmet sa souplesse, sa capacité à se déplacer et à se transformer, son aptitude à évoluer dans le temps et l’espace. Dans fom1 et paysage, le corps a perdu son épaisseur, sa substance, pour n’être plus qu’une image, fantôme ou mirage. Le chorégraphe n’y est plus aussi aisément identifiable ; il apparaît moins comme danseur que comme signe de présence humaine. Dans paysage, il est aussi le regard subjectif, l’œil de la caméra virtuelle qui définit le cadre et choisit les chemins de passage.

Les trois films de TTT sont traversés par la question de la disparition du corps. Ils ont aussi des ressemblances formelles : des figures noires se dessinent sur un fond blanc, comme en dehors de tout contexte ; le mouvement est souple. Quand ils sont présentés dans le même espace, une seule musique les réunit.

Mais, par delà ces points communs, TTT permet de mesurer l’évolution du rapport de Christian Rizzo à l’image virtuelle. Dans IL, elle semble être pour lui une chose étrangère à quoi le corps doit se confronter, avec quoi il peut, au mieux, dialoguer, en essayant de l’attirer sur son propre terrain, celui de la danse. Dans fom1 et paysage, Christian Rizzo s’approprie ce médium, se sert de sa capacité à évoquer l’évanescence pour parler d’apparition et de disparition, sujets récurrents de ses chorégraphies.
On pourrait dire aussi que, de IL à paysage, Christian Rizzo se met en retrait, qu’il disparaît progressivement du cadre pour devenir essentiellement celui qui regarde et choisit. Le danseur a laissé la place au chorégraphe.

Marie-Thérèse Champesne